Il y eut comme un flottement. Didier Deschamps et son staff s'en étaient-ils rendus compte ? Alors que le Portugal et l'équipe de France se dirigeaient inexorablement vers une séance de tirs au but prévisible, un brin de lucidité a traversé le banc tricolore. Kylian Mbappé, rôti et gêné par son nez, était là, assis au chaud à encourager ses troupes. Antoine Griezmann avait enfilé la doudoune depuis de longues minutes déjà tandis qu'Olivier Giroud était, comme à son habitude dans cet Euro, resté cloué sur le banc. Mais qui allait tirer chez les Bleus ?
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Ce moment de panique fut illustré par un Guy Stéphan criant en direction de Giroud à 117e minute pour lui dire d'accélérer l'échauffement. Ce dernier semblait plutôt refroidi dans un premier temps avant de céder à la tentation. Mais, là encore, les choses se sont passées autrement. "Je voulais faire tirer Olivier, qui est un des cinq tireurs mais l'arbitre ne l'a pas enregistré assez tôt, donc il n'a pas pu y être", a reconnu DD après coup.
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Trois jokers et deux latéraux
Au coup de sifflet final, c'est donc un conciliabule qui s'est organisé sur la pelouse d'Hambourg. Le casting, amputé des tireurs habituels, ne fut pas si compliqué à trouver d'après les dires tricolores. Une séance, ça se sent. Le cinq décisif des Bleus pour rompre la malédiction, celle qui les empêchaient de remporter une séance de tirs au but depuis 1998, fut d'un baroque qui prête à sourire : Ousmane Dembélé, Youssouf Fofana, Jules Koundé, Bradley Barcola et Théo Hernandez. Trois entrants et deux latéraux. Toujours plus irrationnel. Mais toujours plus gagnant.
Dans le détail, les cinq ont réussi tir au but quasi-parfait :
- Dembélé : plat du pied sécurité, à contre-pied
- Fofana : frappe au centre
- Koundé : frappe en pleine lucarne
- Barcola : avec l'expérience d'un vieux briscard
- Hernandez : la même lunette que Koundé
"C'est un geste technique, dans un moment particulier, résumait encore Deschamps. Il fallait faire abstraction de la forêt de supporters portugais derrière. Si vous le tirez parfaitement... Quand vous avez l'opportunité de répéter les choses plusieurs fois, même si ce n'était pas les mêmes tireurs... le plus important c'est la tranquillité. C'est ce qu'a dit Kylian à l'ensemble de ceux qui allaient être amenés à tirer."
Pour la première fois depuis 1996 et une séance gagnée face aux Pays-Bas, les cinq tireurs tricolores ont donc réussi leur tentative. Historique. Mais encore plus improbable à l'heure de constater que ni Koundé ni Barcola n'avaient tiré un seul penalty ou tir au but en carrière. Cela ne s'est pas vu. Comme si ce casting de bric et de broc était rendu sublime par un scénariste adepte de l'absurde. "C'était mon premier pénalty. Je n'en avais pas tiré depuis les U19 en compétition", s'est d'ailleurs marré Koundé sur M6.
Une seule séance, ça a suffi
"Les gars qui ont tiré ont super bien tiré", a d'ailleurs souri Kylian Mbappé au moment de revenir sur cette séance comme dans un rêve pour mettre fin à cette série qui leur collait aux basques de trois échecs de rang dans l'exercice. Premier tireur, Dembélé a mis les Bleus sur orbite avec un sang-froid qu'on ne lui connaissait pas. "On s'est entraîné un peu à l'entraînement et la finale perdue en Coupe du monde nous a servis de ce côté-là, a-t-il avancé. Je crois qu'on a tous pris le gardien à contre-pied."
Pour Deschamps, il fallait de nouveau éviter le procès en légèreté hérité de l'Euro 2021 où ses ouailles n'avaient pas jugé utiles de préparer un exercice si spécifique. Cette fois-ci, à Paderborn, on a bossé dès la fin de la phase de poules. "Nous avions préparé cet exercice avant la Belgique en 8e mais pas avant le Portugal, une seule séance, ça a suffi, ainsi expliqué William Saliba avant d'insister sur ce casting surprenant. Cette fois-ci, on gagne aux tirs aux buts, avec des jeunes ça fait plaisir, ça montre qu'on a du caractère..."
"Il y avait une forme de sérénité", a même osé Deschamps dans l'euphorie de la qualification en revenant sur cette séance immaculée. Le plus incroyable vient sans doute de là : Mike Maignan n'a rien à voir, ou presque, dans l'histoire. Après ça, qui pourra encore contredire Didier Deschamps quand il évoquera la "loterie" de cet exercice ? Ce vendredi, il a tiré le gros lot. Grâce à cinq hommes inattendus mais bel et bien au rendez-vous.
La joie des Bleus après la qualification face au Portugal
Crédit: Getty Images